Les incendies ont ravagé les massifs forestiers durant cet été. Certains accusent des parties visant la récupération des terrains forestiers d’être à l’origine de ces incendies. Au moment où d’autres parlent du phénomène inévitable lié essentiellement aux fortes chaleurs ayant frappé notre pays. Vrai ou faux ?
La période la plus propice aux feux de forêt demeure l’été. Raison ? C’est parmi les causes involontaires que nous allons citer. La forêt reste un combustible potentiel. Les flammes peuvent toucher la végétation vivante ou morte. Les conditions climatiques jouent également un rôle important dans l’inflammation et la propagation des incendies.
La sécheresse, combinée avec l’activité humaine dans les parages, favorise dans une large mesure le départ des foyers d’incendies. Ainsi, certaines zones sont plus propices que d’autres, à savoir la présence d’arbres, ou de troncs d’arbres au sol suite à une tempête. Ce genre de situation peut engendrer des incendies en toute période de l’année. Faut-il rappeler qu’il suffit que trois facteurs soit réunis, à savoir un combustible, une flamme ou une étincelle et de l’oxygène pour engendrer le départ des feux.
A ces causes involontaires s’ajoutent des facteurs d’ordre naturel. Les experts en sciences forestières évoquent la foudre, la réflexion du verre et l’activité volcanique. Ce dernier facteur demeure absent pour le cas de forêts qu’a connu l’Algérie. De plus, «le risque de tels événements sont très rares, ne dépassant pas le seuil de 3%, ce qui est statistiquement non significatif», précise Ahmed Alileche, conservateur divisionnaire chargé du département Animation et vulgarisation au Parc national du Djurdjura (PND).
Acte de vengeance des autorités
Il s’agit là de causes volontaires. Une grande partie des feux de forêt sont d’origine volontaire. Toutefois, le mobile diffère selon l’auteur de l’acte et la région où le feu est déclenché. Si certains auteurs de ces crimes sont des pyromanes (malades psychopathes), les autres actes sont plutôt prémédités. Ainsi, Ahmed Alileche, conservateur principal au Parc national du Djurdjura, avance la «vengeance» comme mobile utilisé par certaines personnes, notamment dans ces régions montagneuses. «Des délinquants verbalisés pour des infractions forestières ou pour des raisons d’exclusion sociale ont déclenché des foyers de feu afin de se venger.
C’est un cas commun à tout le Domaine forestier national (DFN)», fait remarquer ce conservateur. Certains individus, également, notamment les riverains de ces régions forestières, qui n’ont pas bénéficié d’un poste d’emploi saisonnier ou permanent le font également par vengeance. Une autre catégorie de personnes qui recourent aux incendies comme acte de chantage est celle qui n’a pas bénéficié «du marché de nettoyage de la forêt après incendie, notamment le débardage du bois incendié», souligne M. Alileche.
Renouvellement du pâturage et récupération du charbon
Le renouvellement des pâturages pour les riverains de la forêt demeure également l’un des motifs qui poussent certains à déclencher des incendies volontairement. Il s’agit également d’ouverture et d’extension des terrains du parcours. Etant en contact permanent avec les riverains du Parc national du Djurdjura M. Alileche fait état de nombreux massifs forestiers dans cette zone ayant connu ce phénomène. Mais pas seulement, ce genre d’incidents ont été soulignés au niveau des forêts de montagne de différentes régions du pays, telles que «Theniet El Had, à Tissemsilt, les forêts domaniales de R’mila, les forêts des Aurès (Bélezma et Chélia), voire dans les parcours steppiques, comme à Naâma, Djelfa, M’Sila, etc.», insiste notre interlocuteur. Un autre facteur, et non des moindres, demeure la récupération de charbon par certains opérateurs économiques : cas des forêts de l’Est algérien.
Pour ce dernier facteur, Ali Mahmoudi, directeur général des forêts s’exprime, «c’est une aberration», dit-il, expliquant le processus de la carbonisation. «C’est une technique bien spécifique, elle se fait généralement dans une fosse qui doit être recouverte de matière végétale (paille, herbes, branchages), surmontée d’une couche de terre, en laissant de petites ouvertures (sorte de cheminée) et non pas à l’air libre, elle se fait avec du bois sec ou vif asséché et non pas incendié, car la transformation du bois en charbon nécessite unemise en eau du ligneux», précise-t-il.
Récupération des terrains incendiés
Faire reculer les forêts afin de s’accaparer des terrains des zones incendiées demeure un acte ignoble dont tout le monde parle, mais avec très peu de preuves tangibles. Même les enquêtes judiciaires qui ont été ouvertes dans ce sens n’ont pas réussi à élucider ce genre d’affaires. « A l’exception du flagrant délit, les investigations en matière de recherche des auteurs des incendies volontaires sont très complexes et demandent beaucoup de temps compte tenu de l’étendue et de la complexité de la scène de l’enquête. A chaque aboutissement des enquêtes, les services de la Gendarmerie nationale nous font part au fur et à mesure des résultats», explique Ali Mahmoudi, directeur général des forêts. Vu le manque de dispositifs de surveillance dans ces zones où les terrains sont très accidentés, l’origine de la plupart des incendies de forêts reste inconnue. Questionné à ce sujet, Ahmed Alileche estime que personne ne peut convoiter un terrain aussi escarpé tel que les massifs du Djurdjura.
Qu’en est-il des forêts du littoral ? M. Alileche n’écarte pas le recours à ce genre de pratiques au niveau des forêts du littoral. Ainsi, des constructions à usage commercial, notamment des campings de vacances, ont été remarquées dans de nombreuses forêts se situant sur la côte. C’est le cas des forêts de Tipasa, Mostaganem, d’Oran et de Boumerdès. Il y a lieu également de signaler le détournement de ces terrains forestiers pour la construction de débits de boissons, notamment dans des zones montagneuses, comme en témoigne M. Alileche. Les indus occupants des terrains incendiés sont également animés par d’autres fins. Il s’agit de la récupération des terrains incendiés dans le cadre de l’amodiation à des fins agricoles (arboriculture, oléiculture ou autre activité vivrière ou commerciale, comme l’apiculture). A ce titre, les terrains relevant du domaine forestier changent de vocation par la force des choses.
L’’exemple de la forêt de Boumahni, dans le sud de Tizi Ouzou, frappée par les incendies, est plus qu’édifiant. Ainsi, «les endroits qui n’ont pas pu se régénérer sont consacrés à l’oléiculture», affirme le conservateur du Parc national du Djurdjura. Ce dernier, souligne que la vocation de ces terrains devient l’arboriculture, bien qu’officiellement cela relève toujours du domaine forestier. «Conformément, aux textes réglementaires régissant le domaine forestier national, la forêt incendiée doit être reconstituée, elle ne doit en aucun cas changer de vocation, l’empiètement du domaine forestier national pour la construction et l’exploitation, quelle que soit sa nature est une infraction à la loi», rappelle M. Mahmoudi.
Source: El Watan