Alors que la forêt tropicale est ravagée par de virulents incendies en Amazonie et en Afrique centrale, plusieurs campagnes de reforestation d’envergure sont en cours. C’est le cas au Sénégal qui prend soin de faire revivre sa mangrove à travers la plus importante campagne mondiale de plantation. Cette forêt tropicale à haute valeur écologique rend également de nombreux services aux communautés locales.
La mangrove, une forêt tropicale singulière et précieuse
La mangrove est un type de forêt tropicale unique située à l’interface dynamique entre terre et mer. Elle On trouve des forêts de mangrove le long des côtes et des estuaires dans l’ensemble des régions tropicales et subtropicales ; elles sont capables de s’épanouir dans l’eau salée, prospérant dans des conditions auxquelles un nombre limité d’espèces ont su s’adapter.
Les forêts de mangroves comprennent environ 80 espèces d’arbres différentes qui prospèrent dans sols pauvres en oxygène. Elles sont reconnaissables par leur enchevêtrement dense de racines qui offrent un refuge et de nourriture aux poissons et autres animaux.
Présentes dans 123 pays (90 % de mangroves sont dans des pays en voie de développement) et couvrant 152 000 km², les mangroves nourrissent et profitent à plus de 100 millions de personnes : ressources alimentaires, forestières, épuration de l’eau, protection contre l’érosion et les évènements extrêmes… Les mangroves abritent également une biodiversité exceptionnelle et séquestrent très efficacement le carbone atmosphérique.
Au niveau du changement climatique, les mangroves stockent 2 à 4 fois plus de CO2 que les forêts tropicales. En outre, les mangroves sont 1 000 fois moins chères au kilomètre que la construction de digues pour se protéger contre les tempêtes et l’élévation du niveau de la mer.
Et pourtant, notre planète a perdu 35 % des mangroves entre 1980 et 2000. En cause : la conversion des terres pour l’aquaculture et l’agriculture, l’aménagement des côtes, la pollution, la sécheresse et la surexploitation des ressources.
Selon un rapport du PNUE de septembre 2014, les mangroves sont détruites 3 à 5 plus rapidement que les forêts ! Au niveau économique, ce sont des milliards de dollars de gaspillés. Au niveau climatique, cela représente 1/5 des émissions planétaires de CO2 liées aux pertes de couvert forestier.
Le Sénégal redonne vie à sa mangrove
Au Sénégal, la mangrove occupe 185 000 hectares dans les estuaires de la Casamance et du Sine Saloum. Cependant, depuis les années 1970, environ un quart de la mangrove a disparu : 45 000 hectares ont été perdus à cause de la sécheresse et de la déforestation.
Pour endiguer cette perte inestimable, le Sénégal mène depuis plus de 15 ans la plus grande campagne mondiale de reforestation de mangrove : en 2006, plus de 100 millions de graines de palétuviers ont été plantées à la main sur 15 000 hectares. Entre 2009 à 2011, plus de 100 millions d’arbres ont été plantés sur 7000 hectares… Et chaque année des dizaines de millions de jeunes plants sont ainsi mis en terre.
En 2019, pas moins de 79 millions de palétuviers ont été plantés sur près de 10 000 hectares. Leur croissance va permettre d’absorber environ 500 000 tonnes de carbone sur 20 ans.
Soulignons l’importance de la mobilisation citoyenne : 100 000 personnes de 350 villages contribuent au succès de ces campagnes de plantation qui s’étendent sur des zones où les sols étaient devenus incultes. Et depuis, les villageois recommencent peu à peu à cultiver du riz car les terres regagnent en fertilité.
De plus, « cette nouvelle forêt de mangroves favorise la reconstitution des ressources halieutiques de la zone. Les 80 millions d’arbres replantés permettent une production supplémentaire allant jusqu’à 18 000 tonnes de poissons par an et favorisent le développement de crevettes, huîtres et mollusques », détaille Livelihoods Fund, qui finance 90 % du projet (les 10 % restant proviennent de l’Etat et des appels aux dons) en partenariat avec l’ONG sénégalaise Océanium.
La mangrove reprend racine un peu partout dans le monde
Cette campagne de plantation amplifie un phénomène de régénération et d’extension de la mangrove enregistré par les satellites de la NASA depuis les années 2000. Les données satellitaires, interprétées par deux scientifiques de la NASA, Lola Fatoyinbo et David Lagomasino, montrent que de 2000 à 2016, la mangrove s’est étendue sur 4 800 hectares et s’est régénérée sur 14 800 hectares.
« Pendant des décennies il y a eu tant de mauvaises nouvelles à propos de la destruction des mangroves qu’il est facile d’oublier qu’il s’agit de plantes presque parfaitement conçues pour piéger les sédiments et coloniser les vasières vides, » rappelle Fatoyinbo. « La régénération des ecosytèmes de mangrove est une chose que nous constatons dans plusieurs parties du monde maintenant«
Source : Notre planete info